Vers le Dimanche 13 février 2022
Vers le 6° Dimanche du Temps Ordinaire – Année C

Nous sommes au début de l’évangile de Luc. Dans la scène précédente, Jésus choisit douze apôtres. C’est avec eux qu’il descend dans la plaine, au milieu du peuple qui l’attend, et c’est là, au cœur du monde, qu’il va donner leur feuille de route à ses apôtres et à tous ceux qui veulent le suivre, donc à nous aussi. Je peux demander au Seigneur de disposer mon cœur à entendre les béatitudes non pas comme un discours métaphorique lointain, mais comme une parole qui peut guider ma vie.

Jésus descend avec ses apôtres dans la plaine où ils retrouvent une foule variée : des disciples, c’est-à-dire ceux qui suivent Jésus, mais aussi des malades, des possédés, venus se faire guérir, des curieux aussi sans doute. Je me représente cette foule bariolée et réfélchis en moi-même : où je me situe : près de Jésus ? à distance ? Est-ce que je vais vers Jésus pour l’écouter ou me faire guérir ? Comment est-ce que je réagis par rapport à la foule ? Je confie à Jésus mon désir de le suivre.

Jésus n’enseigne pas sur un pré d’herbe fraîche calme et paisible, mais au milieu du monde. Jésus ne nous appelle pas à rester enfermés dans le cocon de nos églises, il nous envoie dans le monde. Il s’y rend avec nous, ou plutôt il nous y précède. Je peux prendre un temps pour considérer le monde – ou les mondes – auxquels je suis envoyé(e) : famille, amis, travail, quartier, association, club sportif, … et je les confie au Seigneur, en lui demandant de me montrer comment il agit dans ces lieux.

La structure du discours de Jésus est très claire :  une série d’affirmations annonçant le bonheur, une autre annonçant le malheur. Cela fait écho à un passage du Deutéronome : Dieu a libéré les hébreux de l’esclavage égyptien, il a fait alliance avec son peuple et lui dit « voilà que je mets face à toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis donc la vie. » (Dt 30, 15).C’est le même enjeu que nous retrouvons dans les paroles du Christ : choisir la vie. Sortir de l’esclavage du conformisme et de nos recherches de sécurité pour vivre pleinement. Quel est mon choix aujourd’hui ?

Nous n’aspirons naturellement ni à être pauvres ni à avoir faim, c’est bien normal ! Jésus nous invite à avoir un cœur de pauvre, un cœur qui n’est jamais repu, qui ne cesse de désirer et d’aimer. Le pauvre dans la Bible c’est celui qui reçoit tout de Dieu. Et celui qui aime Dieu a toujours faim de lui et de sa parole. Claire Monestès, la fondatrice de la Xavière, écrivait : « Seigneur, donnez-moi toujours faim de vous-même, faim d’avoir toujours faim ». Je peux faire mienne cette prière, afin que demeure et grandisse en moi un profond désir de Dieu.

Jésus déclare heureux ceux qui sont exclus et haïs, et malheureux ceux dont les hommes disent du bien. Encore une déclaration surprenante et paradoxale ! Je peux m’interroger sur la façon dont je considère le regard des autres : qui sont les personnes dont je me soucie du jugement ? y a-t-il des choses que je ne me sens pas libre de faire par crainte d’être désapprouvé, jugé, rejeté ? Je peux demander au Christ de me libérer des regards qui m’enferment et m’empêchent d’être pleinement moi-même, de m’apprendre à vivre uniquement sous le regard de Dieu.

On peut interpréter ce passage comme une leçon de patience et de résignation : je souffre aujourd’hui, après la mort je serai récompensé. Ce serait oublier que le royaume est déjà au milieu de nous (Lc 17, 21). Les mots du Christ sont à entendre comme une invitation à entrer dans le temps de Dieu, à voir plus loin que le ici et maintenant, à ne pas céder à la superficialité des rires faciles ou de la gloire mais à nous attacher à ce qui est bon même si cela nous fait aller à contre-courant.  Ne soyons pas des repus mais des veilleurs insatiables de Dieu. Nous sommes faits pour la vie éternelle, Dieu ne nous offre rien de moins, à nous de répondre à son appel par la voie des béatitudes.