Vers le Dimanche 10 juillet 2022
Vers le 15ieme Dimanche du Temps Ordinaire – Année C

C’est « la » question de tout sage juif : que faire pour recevoir de Dieu la vie éternelle ? Cette interrogation n’a pas vraiment d’origine, elle est inlassablement reprise à chaque génération… J’imagine la cohorte des personnes qui se la sont posée : certains avec un cœur pur, d’autres se représentent peut-être que Dieu est un « roublard » avec lequel on peut « marchander ». Et pour moi, comment résonnent les mots de « vie éternelle » ? Comment est-ce que je me la représente ?

Jésus ne se laisse pas enfermer dans une réponse mais renvoie le docteur à sa pratique des Écritures. « Comment lis-tu ? », autrement dit, « quel début de réponse toi-même as-tu commencé à apporter ? » Je prends conscience que la vie divine, Dieu, la promesse d’alliance ne sont pas des entités abstraites, éloignées de moi, mais qu’elles me sont révélées par les Écritures. Quelle pratique en ai-je ? Le docteur de la Loi associe deux extraits issus des livres du Deutéronome et du Lévitique. Et moi, quel accès à la vie éternelle m’a déjà été ouvert par les Écritures ?

Le judaïsme ancien définit le prochain comme le compatriote, voire le membre d’une même confrérie religieuse. Me suis-je jamais posé la question, à l’instar du docteur ? À quelles communautés est-ce que je me sens relié ? Ma famille ? Mon pays ? Les personnes partageant la même religion ? Est-ce que j’identifie des « prochains plus proches » que d’autres ? Et si oui, selon quels critères, peut-être inconscients jusqu’alors, j’effectue le « tri » ?

Trois hommes voient la victime mal en point. Le prêtre et le lévite passent à côté ; littéralement, selon le texte grec, ils « passent à bonne distance ». J’essaie de deviner ce qui travaille leur cœur et leur intelligence, les sentiments qui les habitent, s’ils s’en sentent coupables, confus… ou pas. À l’inverse, le Samaritain est « saisi de compassion ». Je laisse jouer ce contraste des attitudes. Quel regard est-ce que je pose sur la détresse ? M’enjoint-elle à me « blinder », ou à me laisser toucher par elle ? J’ose faire un pas de plus en me demandant quel regard j’aimerais qu’un autre pose sur ma détresse…

Jésus, à la fin du texte, inverse la question de départ, qui était « qui est mon prochain », et demande qui « s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ». Le prochain n’est plus l’autre à aimer juste parce qu’il est proche, tel un objet, mais passe directement au rang de sujet, à celui qui a le plus besoin de compassion. Cela peut m’inciter à réviser mes formes d’allégeances sociales habituelles : mes solidarités familiales, sociales, nationales ne sont pas forcément à renier, mais honorent-elles la compassion à laquelle je suis invité ?

« Fais de même ». Les commandements sont rarement formulés à l’affirmative, d’habitude ils posent des limites : par exemple « tu n’auras pas d’autre Dieu que moi » dans le premier testament, ou « ne pèche plus » dans le deuxième. Aussi, ce « fais de même » a le mérite d’être clair. Je laisse résonner cet ordre dans mon cœur, me rendant compte que je ne peux plus me réfugier derrière l’argument selon lequel ce que le Seigneur attend de moi serait indéchiffrable, inaccessible, incertain. Ce « fais de même » m’envoie exercer la compassion envers celui qui en a le plus besoin. Par qui est-ce que je commence ?

Cette accessibilité de ce que le Seigneur attend de nous est déjà signifiée dans la 1ère lecture. « Cette loi n’est pas au-delà des mers, (…), elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique » (Deutéronome). La loi est une Parole, faite chair en Jésus-Christ, « premier-né, avant toute créature, en (qui), tout fut créé » (Colossiens, 2ème lecture). Nous ne saurions nous passer de la médiation de l’Église mais, pour autant, souvenons-nous que l’accès à la vie éternelle se joue dans un cœur-à-cœur entre chaque être humain et l’homme Jésus. Il est le Maître véritable, un maître qui nous appelle amis et nous estime dignes d’accomplir la même mission d’amour que lui.