La Pentecôte nous installe dans le définitif. En nous faisant célébrer la manifestation de l’Esprit, elle achève notre connaissance de Dieu. Elle nous éclaire sur ce qu’est désormais et pour toujours notre vie avec Dieu dans ce même Esprit.
Cet article est paru dans la revue Vie Chrétienne N°453
Tout l’Evangile l’atteste: l’Esprit saint est la présence même du Christ ressuscité, « Je m’en vais et je viens à vous» (Jn 14, 28). A l’angoisse de le perdre qu’ils éprouvent, il répond par la promesse d’une présence plus grande encore car plus rien ne l’arrête: présence pénétrante comme l’huile, diffuse comme l’air, insinuante comme l’eau et, comme le vent, capable d’emporter toutes choses.
On pourrait presque dire que l’Esprit saint, c’est Dieu perçu au-dedans de l ‘homme : Dieu en tant qu’il se rend présent à toutes les fibres de l’humanité ; Dieu pour l’homme; Dieu avec l’homme en tout et pour toujours. « Voici que je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Désormais la résurrection nous est donnée par l’Esprit qui habite en nous. La vie dans l’Esprit, la vie « spirituelle » n’est cantonnée en aucun lieu particulier. Tout ce qui est humain peut être son lieu. L’Esprit saint n’est ni plus ni moins dans les chapelles que dans les rues, ni plus ni moins dans la prière que dans l’action. Il est présent et à l’œuvre partout, dès lors que l’Evangile éclaire et anime ce que l’homme sent, pense, décide, entreprend. Nous cherchons parfois très loin ce qui est en réalité très proche, « répandu dans nos cœurs par l’Esprit saint qui nous a été donné» (Rm 5, 5).
Discerner
La vie spirituelle ne requiert de nous aucune pratique extraordinaire, aucun état de vie exceptionnel. Elle est toujours à notre portée, en tous lieux, à tous moments, nous permettant de « trouver Dieu en toutes choses », comme dit saint Ignace de Loyola. Mais pas à n’importe quelle condition. Si la vie ordinaire est le lieu de l’Esprit, tout n’est pas forcément vécu « selon l’Esprit ». C’est pourquoi la tradition spirituelle de l’Eglise s’est toujours souciée de discerner les esprits, c’est-à-dire de vérifier ce qui est ou ce qui n’est pas de l’Esprit de Dieu. Pour ce discernement, il n’y a qu’une référence : l’Evangile.
C’est à la lumière de l’évangile que nous percevons la vérité à l’œuvre dans nos vies. Et déjà, la capacité que nous avons d’écouter et d’entendre la parole de Dieu révèle en nous la présence de l’Esprit. « Nul ne peut dire Jésus est Seigneur si ce n’est par l’Esprit saint» (1 Co 12, 3). Il n’y a pas de plus intense communion à l’Esprit que l’entrée progressive dans l’intelligence de l’Evangile et sa mise en œuvre dans nos corps.
Notre aspiration est vive que cette présence de l’Esprit soit en nous expérience, comme nous voyons qu’elle l’a été pour les premiers disciples de Jésus le jour de la Pentecôte. Il y a là une requête particulièrement actuelle, mais il ne faut pas se tromper de chemin. Certes, elle passe aussi par nos psychologies, mais elle est cependant différente, car son milieu n’est pas la perception psychologique mais la perception de la foi.
Il faut tout un apprentissage pour apprendre à reconnaître l’action de l’Esprit, une sorte d’éducation des sens intérieurs, des sens spirituels. L’expérience spirituelle peut alors se goûter et réjouir le cœur de l’homme quand elle lui permet de cueillir consciemment le fruit de la foi dans sa vie. Oui, il y a du fruit. Cela suppose toutefois un engagement. Celui d’accepter d’exposer sa vie à la parole de Dieu, de la laisser travailler par elle, pétrir, labourer, façonner.
Alors commence tout un travail de vérité, que ce soit dans l’intime développement personnel ou dans les multiples formes de l’activité humaine, sociale, éthique, politique, artistique, etc. Ce travail de vérité fera que, petit à petit, la parole de Dieu nous ajustera à elle, dessinera notre vrai visage, façonnera notre corps de résurrection. La vie spirituelle n’est autre que de nous laisser agir par la parole de Dieu. L’expérience spirituelle est la perception qui nous est donnée de l’efficacité de cette parole en nous. Et c’est notre joie. « Les fruits de l’Esprit sont amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi; contre de telles choses, il n ‘ y a pas de loi» (Ga 5, 22).