Vers le Dimanche 31 décembre 2023
Vers la Solennité de la Sainte Famille - Année B

La naissance de Jésus marque un accomplissement. Dieu, le Père, a mené jusqu’au bout son projet : sauver le monde (ce que signifie le nom de Jésus), être une bonne fois pour toutes au milieu de son peuple, « Dieu avec nous » (ce que signifie Emmanuel). En Eglise, nous vivons désormais ce temps accompli. Rien n’est plus désormais comme avant : divinité et humanité sont définitivement liées. Aujourd’hui, grand jour de fête, pour les enfants mais pas que pour eux. Il y a aussi les pauvres qui sont à la fête. Et si je trouvais aujourd’hui le moyen de le leur signifier…

Marie et Joseph se soumettent à la loi de Moïse. Ils viennent à Jérusalem présenter leur premier garçon au Seigneur. C’est aussi en croyant suivre la loi de Moïse que, plus tard, des hommes lapideront à mort Etienne hors de la ville. Etienne fut le premier, après Jésus, à offrir sa vie au Seigneur en demandant explicitement le pardon pour ceux qui lui donnaient la mort. Naissance et mort se mêlent dans l’histoire humaine. Le meilleur côtoie le pire, le bonheur l’épouvante. Dans la joie de Noël, je présente au Seigneur tout ce qui est promesse de vie et recherche de pardon dans mon histoire.

Dans son évangile, Luc n’hésite pas à parler des « parents de Jésus ». Comme dans toutes les familles, les parents n’ont pas le même rôle, mais les deux sont indispensables, sans jalousie, ni comparaison. L’Eglise a toujours été discrète sur le papa de Jésus, Joseph. Mais discrétion ne signifie pas oubli. Il a joué sa part dans l’amour que Jésus a reçu. Dis-moi, Jean, toi que nous fêtons, toi le disciple que Jésus aimait, révèle-moi la force de l’amour que chacun reçoit de ses parents ou de ses amis, et combien, sans la possibilité de dire « je suis aimé », il est bien compliqué de s’épanouir.

Luc raconte brièvement toute l’enfance de Jésus : « l’enfant grandissait et se fortifiait ». Tous les enfants n’ont pas cette chance. La fête des saints innocents, ces enfants massacrés par le roi Hérode, le rappelle cruellement. Aujourd’hui encore l’indifférence, le pouvoir, la peur et bien d’autres sentiments chez des puissants tuent des bébés. La joie de Noël n’étouffe pas le cri des mères qui pleurent leurs enfants. Difficile, Seigneur, de te prier en pensant à ces enfants qui auront peu connu la joie de vivre. Que te dire ? Comment consoler des parents ? Fais grandir en moi la foi.

Après la présentation à Jérusalem, retour à Nazareth, ce trou perdu de la Galilée dont il est connu, à l’époque, qu’il ne pourra rien sortir de bon. Quel drôle de choix pour éduquer son enfant : une douzaine d’années passées à Nazareth pour « grandir » et se « fortifier ». Ce que la tradition appelle « la vie cachée » est pourtant cette période où se manifeste avec éclat le choix de Dieu : se faire l’un de nous, tout simplement. Aujourd’hui, je peux prier en pensant à tous les « trous » que je connais : village paumé, quartier inaccessible, cité dégradée, etc. Et je me dis que Jésus aurait aimé naître là.

Le passage évangélique de dimanche se termine par « et la grâce de Dieu était sur lui ». La grâce ? Comment en parler de façon juste… Une faveur accordée librement à quelqu’un ? Voilà de quoi provoquer la jalousie des autres… La grâce n’est pas un privilège réservé à des nantis mais la manière de faire de Dieu avec tout le monde : il donne gratuitement même à celui qui refuse de recevoir. Cette ouverture à la grâce est, dans la tradition chrétienne, essentielle pour grandir et se fortifier. Dans un endroit calme, mais aussi dans la rue en marchant, je prie en disant : « la grâce de Dieu est sur moi. »

Quand nous demandons à des saints de prier pour nous, nous faisons toujours mention d’une personne, quelques fois de deux personnes en même temps (des frères, des sœurs, des époux), parfois encore d’un groupe de personnes, souvent des martyrs tués au même moment ou pour des raisons similaires. Mais nous prions rarement des saintes familles. Or, aujourd’hui, dernier jour de l’année 2023, c’est un famille qui nous est donnée en exemple pour vivre l’Evangile au quotidien. Par des liens d’amour et de tendresse, d’éducation et de travail, de voisinage et d’attachement à une ville, de repas ordinaires ou festifs… grâce à tous ces liens tissés entre les membres d’une famille, la sainteté est à portée de main. Réjouissons-nous de cette bonne nouvelle et vivons-en tout au long de 2024.