Rentrée : cultiver les bienfaits de l’été

Après le repos de l’été, les plannings se remplissent avec les activités de chacun. Mais déjà le trop-plein s’annonce !

Paul Legavre, jésuite, nous invite à ne pas se précipiter avant de s’engager et à cultiver notre disposition intérieure.

Interview recueillie par Véronique Durand pour La Vie, publiée avec son aimable autorisation.

Bon, avouons-le. On a pris le temps de contempler l’océan une dernière fois, cet été, avant de remonter la dune sans se retourner. On a bouclé la dernière valise, fermé la villa, allumé le moteur. Il fallait s’y résoudre et inscrire sur le GPS : Rentrée. Reposés, ressourcés, on s’est promis de cultiver coûte que coûte les bienfaits de cette trêve estivale que nous avions particulièrement attendue.

Temps des résolutions. Comment choisir l’essentiel parmi toutes les sollicitations qui se présentent ? Comme tout bon jésuite, au travers d’une conversation spirituelle, Paul Legavre nous propose un petit exercice ignatien avant de plonger dans la course de la rentrée : contempler, discerner, s’engager.

Comment garder l’esprit positif et accueillir, avec légèreté et sérénité, ce qui va arriver désormais ?

Songe que du neuf va advenir. Regarde du côté de l’élan, et des défis que cela crée : peut-être un enfant qui rentre au collège ou au lycée à accompagner ? Un changement professionnel espéré ou redouté qui mobilise intérieurement ? Ou encore un déménagement en perspective avec le désir de créer de nouvelles relations de voisinage, de proximité ?

Avec le télétravail, nous aspirons à d’autres socialités pour vivre de façon heureuse. Être avec d’autres, ne pas se replier sur soi. Cet élan vers une vie qui se donne et nous entraîne toujours plus loin, entre en résonance avec la promesse de Dieu faite à Abraham : ” Pars, quitte et sois une bénédiction pour autrui.”

Ce Dieu fidèle promet de faire de notre vie une bénédiction, pour nous, et par nous, pour d’autres. Tu peux donc entendre qu’une vie bonne, une vie qui traverse, surmonte les handicaps et s’en accommode, t’attend.

Ce sont plutôt les rythmes un peu fous qui nous attendent… avec les soucis laissés de côté qui ressurgissent. Autant le confesser, le stress me guette !

Il va falloir composer avec les contrariétés, qu’elles concernent la santé, une situation familiale ou humaine, une évolution professionnelle frustrante… Il y a, là aussi, une promesse, plus cachée, à accueillir. Par mon expérience personnelle – y compris de la maladie grave –, je peux assurer que dans toute épreuve il y a une promesse.

Dieu n’est pas moins présent que dans le bonheur, il se donne à nous pour peu que nous l’accueillions. Des ressources intérieures peuvent se révéler pour faire face à ce quotidien redouté et redoutable.

J’ai aimé avoir du temps pour retrouver les miens, jouer, peindre, randonner dans la nature. Et me revoici dans un environnement urbain, accaparé par moult obligations, je vais vite manquer d’air, que faire ?

Regarde ce qui a été bon cet été. Y compris dans ce qui te semble bien peu face aux défis qui se présentent. Demande-toi : Que puis-je transposer dans mon quotidien urbain ? Où ai-je pu trouver du repos ? un repos intérieur qui pourrait entrer en résonance avec la parole de Jésus, dans l’Évangile : “Venez à moi vous tous qui peinez, qui êtes chargés, et moi, je vous reposerai” (Matthieu 11, 28-31).

En regardant où tu as pu trouver du repos, tu peux entrevoir les points d’appui pour l’année à venir. Par exemple, y a-t-il un moment dans la journée où tu peux marcher dans la ville, une oasis si on sait la regarder autrement ? Et contempler les personnes rencontrées, les enfants qui vont à l’école, les mères avec les landaus, apprécier les jardins publics, les rues…

Ces résolutions font sûrement du bien, mais elles me feront davantage perdre du temps qu’en gagner…

J’ai connu un jésuite plein de sagesse, plein d’activités, qui descendait du transport en commun quelques arrêts avant le lieu où il se rendait, pour pouvoir marcher. Ce quart d’heure, cette demi-heure perdus, lui permettaient d’aborder avec une sérénité renouvelée les réunions qui l’attendaient. J’ai été incapable de “perdre” mon temps à marcher… jusqu’à ce que je tombe malade. Maintenant, c’est inscrit dans ma vie.

Mère Teresa invitait ses sœurs à prier deux fois plus longtemps quand elles manquaient de temps pour s’occuper des malheureux. Que puis-je espérer gagner à les imiter ?

La parole de Dieu nous nourrit comme une perfusion de vie. Chacun doit cibler les vitamines naturelles ou surnaturelles qu’il lui faut. Tu peux trouver des moments d’intériorité dans ta journée, en choisissant une application numérique comme Prie en chemin, qui t’aide à prier dans les transports en commun.

Goûter la parole de Dieu, c’est consentir à ce que la parole d’un autre éclaire ta journée, te déplace. Es-tu prêt à accepter ce risque ? Avant de rentrer chez toi le soir, parcours la journée écoulée, et repère ce qui a eu de la saveur, perçois comment tu as résisté à ce qui était déshumanisant, et considère ce qui dépend de toi pour que demain soit encore, davantage, une bonne journée.

Les loisirs, le sport… sont aussi promesses de vie !

C’est important de s’autoriser à prendre, seul ou avec d’autres, des temps de loisirs qui soient sources de ressourcement dans le plein de l’existence. Tu peux décider d’un abonnement pour des spectacles culturels. Mais choisis le rythme qui te convient, réserve ces soirées sur l’année. Quant à la part accordée au sport, lorsqu’elle nous correspond, elle n’est jamais superflue.

Pour les enfants, attention ! Avec la pression qui encourage à multiplier les activités, la famille peut vite être conduite vers un trop-plein dommageable. Pour discerner les choix qui pourraient être bons mais peuvent entrer en conflit, pourquoi ne pas faire un « conseil de famille » ? Parents et enfants, vous repérez ensemble, ce qui serait bon pour chacune et chacun, à s’accorder et à accorder tous ; vous ne pouvez pas dire oui à tout, car c’est bon de garder des temps libres et gratuits.

M’engager ? Il y a l’envie, l’élan, et la réalité. Je sais que ce qui semblait léger et vitalisant au départ, peut se révéler piégeant…

Ce qui a rendu difficile la gratuité l’année passée risque bien de te paralyser à nouveau. C’est pourquoi, avant le rush début septembre, considère ce que tu viens de vivre : où est la plus grande promesse d’une vie à recevoir et à donner ? Songe aux appels intérieurs qui ont retenti l’an dernier, peut-être une envie particulière d’œuvrer avec d’autres pour participer aux évolutions nécessaires, dans la paroisse, le quartier, dans un mouvement, la vie associative…

Comment faire pour choisir sans me tromper ?

Tu peux demander la grâce de percevoir la couleur de l’année qui vient, en priant les Béatitudes. Imagine-toi avec Jésus, comme si tu étais une personne parmi d’autres, et tu l’entends dire : « Heureux…” Répète lentement ses paroles jusqu’à te laisser choisir par une béatitude, accueille-la et savoure sa couleur.

À partir de là, tu peux prendre une décision réaliste et très concrète qui te sera de l’ordre de la vie, de la respiration, d’un ressourcement. Ce qui peut t’apparaître bien difficile deviendra facile. Mais cela peut passer par un combat intérieur.

C’est un travail beaucoup plus profond que la simple préparation de la rentrée avec ses contraintes. Pour saint Ignace de Loyola, s’engager personnellement dans ce qui vient et dont beaucoup d’éléments ne dépendent pas de nous nécessite de se disposer intérieurement. C’est un véritable exercice spirituel.

Avec à la clé, du renoncement…

Sois attentif pas seulement aux choses à faire mais à ce dont tu dois te déposséder, renoncer pour vivre de façon plus humaine, plus modeste et pauvre en un sens. “Heureux celles et ceux qui ont une âme de pauvre, le royaume des cieux est à eux.” »