Prier avec La Lutte de Jacob avec l’Ange, d’Eugène Delacroix

Découverte d’une œuvre

Eugène Delacroix, La lutte de Jacob avec l’ange, huile et cire sur plâtre, 1861

Cette Lutte de Jacob avec l’ange, réalisée dans les années 1850, appartient au décor de la chapelle des saints anges qu’Eugène Delacroix a peint dans l’église St-Sulpice. Dans une scène que dominent de grands chênes, deux personnages se battent. Le premier est Jacob, fils d’Isaac, qui s’apprête à rejoindre son frère Ésaü dont il a usurpé le droit d’aînesse et la bénédiction de son père. Saisi d’angoisse à la veille de cette rencontre, il ne dort pas. C’est au cours de sa veille qu’il lutte avec un homme que le texte biblique ne nomme ni ne décrit. Le combat dure toute la nuit et à l’aurore, malgré un coup qui lui démet la hanche, Jacob ne consent à lâcher son adversaire qu’à condition que ce dernier le bénisse. Il apprend alors que c’est à Dieu qu’il a résisté et reçoit le nom d’Israël (c’est-à-dire Dieu lutte). L’iconographie figure traditionnellement cet inconnu sous les traits d’un ange. 

Le regard du visiteur est capté par le corps-à-corps des deux personnages. Curieuse empoigne qui prête à la danse. Il y a une dissymétrie dans la posture de chacun. Jacob semble se donner entier à l’effort, quand l’ange accompagne son geste plus qu’il ne le contre. En effet, il n’y a nulle dérision du côté de l’ange, il accueille la hargne de son adversaire et la prend au sérieux. À leurs pieds, une nature morte composée de leurs effets : un glaive pour l’ange, un bouclier et une lance pour Jacob. Pour vraiment se rencontrer, ils ont laissé tout superflu : c’est à pleine main qu’ils s’empoignent. 

> Qu’est-ce que cette scène suscite en moi ? Quels sont les moments où j’ai voulu interpeler Dieu ? Qu’est-ce que cette scène évoque quant à l’attitude de Dieu à mon égard ? Quels renversements ont eu lieu dans ma vie ?

Après les combattants, les arbres s’imposent à la vue. Il s’agit de trois chênes baignés d’une lumière rose ou encore plongés dans l’ombre. Spectateurs du combat, ils semblent en reprendre les attitudes, à en juger par la torsion de leurs troncs. Dans l’histoire d’Israël, il y a eu d’autres chênes, ceux de Mambré où Dieu annonce à Abraham et Sara une naissance qu’ils n’attendaient plus. Dans son itinéraire parsemé de ruses, Jacob porte pourtant lui aussi une fécondité inattendue. L’affrontement avec Dieu aura une fin. L’olivier à la gauche de l’œuvre, signe de paix, en témoigne. 

> Dans ma vie, quelle fécondité a pu émerger d’une situation de crise ?

A droite de la scène, la tribu de Jacob avance, indifférente à l’affrontement en cours. Femmes, enfants, serviteurs et bétail, ils avancent vers Ésaü. Dans le récit biblique, leur départ a eu lieu avant cette nuit d’épreuve. Par leur présence dans l’œuvre, ils manifestent que cette lutte ne dure qu’un temps. Le combat avec l’ange de Dieu et la conversion associée sont un passage, ils ouvrent à une nouveauté. Il ne convient donc pas de s’arrêter à cette nuit, mais bien de vivre. Jacob, lui qui a reçu un nom cette nuit-là, nomme à son tour cet endroit : Penoüel, c’est-à-dire « face de Dieu ». Lui qui a été blessé à la hanche se met pourtant en marche vers son frère Ésaü.

> Dans ma vie, comment ma relation à Dieu me donne d’habiter pleinement mon quotidien ? Comment des temps forts de conversion ne me laissent pas dans la quête de leur répétition mais m’ouvrent à la nouveauté ?

Crédit : Eugène Delacroix, La lutte de Jacob avec l’ange, huile et cire sur plâtre, 1861 – J-P Dalbéra sur Flickr https://www.flickr.com/photos/dalbera/45889226434/