L’accompagnement : Pourquoi ? Comment ?

Article adapté d’un article paru dans la revue Vie Chrétienne n°371 en janvier 1993

On parle beaucoup d’accompagnement et la demande semble excéder l’offre. Est-ce une mode ? Comment satisfaire ce que la demande peut avoir d’authentique? Quels sont les différents moyens d’accompagnement qui peuvent être mis en place ? (…)

L’accompagnateur, accoucheur de ma liberté intérieure?

La relation qui s’établit avec l’accompagnateur est une relation entre deux personnes, dans un face à face comme celle des amis. Mais l’accompagnateur n’est pas mon ami, il n’appartient à aucun des groupes dont je suis partie prenante ; ou du moins, il a une personnalité et une situation telles qu’il peut prendre de la distance par rapport à ces appartenances et par rapport à sa propre originalité. Il ne me parlera pas de lui-même, comme le ferait naturellement un ami.

Le sujet de l’entretien sera alors explicitement la relation vécue avec Dieu à l’intérieur de moi-même, les différentes formes de prière et de regard sur ma vie. Il portera aussi sur la relation à Dieu que je vis dans mon rapport aux autres. Ce désir d’accompagnement spirituel est reconnu depuis toujours par l’Église. Il est une grâce authentique, mais il est parfois difficile à réaliser concrètement.

En m’écoutant, l’accompagnateur me renverra à ma capacité de relation. Je peux parler devant lui, comme je me parle à moi-même. Des éléments de lucidité parviennent au jour. J’amorce un chemin vers ma liberté, je relis des signes positifs, je repère mes combats, je pose des choix.

Plus ancien que moi dans sa démarche, l’accompagnateur a appris à repérer progressivement en lui-même les signes de l’Esprit qui lui donnent courage, foi, paix et joie au cœur des événements de sa vie. Mais il a aussi découvert en lui, des lieux de combat, des pièges, des conditionnements personnels ou sociaux pour s’en dégager. Son expérience, sa formation à l’accompagnement, et sa propre vie de prière lui permettront de m’aider à mieux aimer et servir Dieu, et me dégageant de ce qui y fait obstacle. (…)
Faut-il en conclure que dans notre chemin de foi il est souhaitable que chacun se trouve un accompagnateur spirituel ? Il suffit de constater qu’en pratique, ce n’est pas possible pour chercher d’autres voix. L’Esprit ne renonce pas à m’éclairer parce que je n’ai pas d’accompagnateur « sous la main ».
Que faire alors ? Tout simplement, commencer par regarder les possibilités qui s’offrent déjà, les personnes qui m’environnent, certains groupes qui se proposent autour de moi.

Chercher simplement autour de moi

Certaines des personnes que je connais suffisamment ne sont pas des amis au sens affectif du terme. Je sens pourtant que j’ai confiance en eux. Lorsque je les rencontre, je me sens à l’aise pour parler. Ils seront capables de ne pas me donner de conseils et de s’abstenir de m’expliquer comment ils vivent eux aussi les mêmes difficultés. Ils sauront me renvoyer à moi-même et me poser les bonnes questions : Quels sont tes besoins ? Quelles sont tes possibilités réelles ? Quel est ton désir ? Sans que cela soit dit, ils rendront le service au moins partiellement d’un accompagnement sans pouvoir le faire en tout et dans tous les domaines.
Si je prends la peine de commencer à identifier aussi quels sont les domaines où gîtent les principales difficultés à surmonter : la vie familiale ou professionnelle, le rapport entre les deux, une inquiétude intérieure qui rend pénible la solitude, des interrogations religieuses, je pourrai choisir telle personne pour lui parler d’une question et, si l’occasion se présente, aborder avec une autre une source différente de tension intérieure.
Il y a des risques à prendre : surmonter, par exemple, la peur d’être déçu et avoir l’audace de chercher quelqu’un d’autre si c’est nécessaire.

L’effort de commencer en utilisant ce qui est à ma portée est déjà une mise en route plus fructueuse qu’il ne semble. Passer le premier obstacle, vaincre la peur d’avancer, est déjà une aventure spirituelle. Il sera finalement possible de découvrir quelqu’un à qui parler de ma relation à Dieu, celle que je pense mal vivre ou que je voudrais vivre sans pouvoir ou oser croire que je le peux. Il se trouvera aussi qu’un accompagnement humain, spirituellement vécu, peut devenir un accompagnement religieux.

L’accompagnateur expérimenté?

Après un certain temps de route ainsi engagée sur les chemins de chez soi, avec les moyens du bord, il deviendra peut-être nécessaire de faire l’effort de trouver un accompagnateur qui ait une formation plus poussée et une plus grande expérience. Il aura le « label » d’accompagnateur spirituel. Il me sera donné, si c’est vraiment nécessaire, de le trouver car mon désir aura grandi à cette première école et le vrai désir est la condition du succès de la recherche. L’évangile de Saint Matthieu ne nous dit -il pas « Qui cherche trouve »…

Mais vouloir à tout prix commencer par les « labels hautes garanties » pourrait subtilement dissimuler ma peur d’avancer, l’incertitude de ma demande. Ce n’est pas seulement la compétence de l’accompagnateur qui fait le poids, mais aussi la force de mon désir. Le risque est réel de perdre mon temps, et de lui faire perdre le sien, celui qu’il pourrait donner à d’autres. Le vrai chemin se parcourt à petits pas en partant de chez soi par les sentiers et chemins vicinaux. Ils finiront par conduire où l’on voulait aller. Il faut commencer par prier pour éclairer mon besoin.


Des groupes d’accompagnement

La rencontre individuelle n’est pas le seul moyen possible. Un véritable accompagnement peut se trouver dans certains types de groupes.
Dans le domaine religieux, spirituel, ce moyen est de grande portée. Il s’oppose à la pente trop individualiste de beaucoup de demandes. Mouvements d’Église, groupes divers ne manquent pas. Il est possible d’en susciter. Il sera cependant nécessaire de vérifier qu’ils ne sont pas enfermés dans des finalités idéologiques, qu’ils sont correctement animés et conviennent à ce que je suis. Une sélection est à faire comme pour l’accompagnement individuel.

A noter : Dans la spiritualité ignatienne, la Communauté Vie Chrétienne fait vivre le compagnonnage en petite équipe locale pour le discernement de chacun et chacune, pour renouveler l’engagement de ses membres à la suite du Christ.

Une retraite accompagnée

Quand les moyens ordinaires ont été largement et longuement mis en œuvre et qu’ils semblent ne pas suffire, il est bon d’envisager davantage : une retraite fermée et silencieuse, principalement fondée sur l’accompagnement individuel. Fréquemment lors de la retraite en silence accompagnée, le Seigneur se dévoile en nous en surabondance, et nous emporte bien au-delà de la retraite, dans cette vie ordinaire où chacun sera reconduit.

Conclusion

La demande d’accompagnement est sous-tendue par un réel besoin d’appui quand on désire avancer pour se conformer davantage au Christ, car le chemin passe par du combat spirituel pour se libérer et n’est pas aisé. Les manières de répondre à ce besoin peuvent être multiples. Les meilleures sont parfois les plus modestes, celles qui savent utiliser l’entourage concret. C’est d’abord un accompagnement humain en utilisant, en les transformant, des relations de confiance. Il peut aussi se vivre grâce à des groupes respectant certaines règles élémentaires de liberté de la parole et d’écoute mutuelle. Et enfin, une retraite spirituelle ponctuelle accompagnée va souvent permettre un bond en avant vers le Christ qui portera du fruit longtemps.
Faut-il pour autant renoncer à chercher un accompagnement spirituel individuel au long cours? Probablement pas. Mais l’Esprit Saint sait se servir d’instruments déficients qui nous sont accessibles tout autant que des moyens plus perfectionnés qui ne sont pas à notre portée. Notre désir d’accompagnement doit rester désir même quand il n’est apparemment pas réalisable. L’Esprit nous fait signe.

Crédits : Articles Revue Vie Chrétienne n°373 – Photo by Arthur Poulin on Unsplash