M’arrêter et remercier

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Nous voilà au cœur du Carême ! Au milieu du gué ! Et alors que la semaine dernière nous avons voulu nous libérer un peu de notre attachement à une certaine image de nous-même, nous allons aborder aujourd’hui un thème plus concret : nos comportements compulsifs. N’arrêtez pas de lire tout de suite ! Il ne s’agit pas de nous flageller mais de développer une saine curiosité. Quels sont ces moments où nous nous saisissons de manière désordonnée de ce qui pourtant nous est offert gratuitement ? Ils s’installent volontiers dans notre rapport à l’alimentation, aux réseaux sociaux, à la sexualité, au sport,…

La loi qui libère

Pour aborder ces comportements, le détour par la liturgie de cette semaine est éclairant. Les évangiles vont nous parler de notre rapport à la Loi. Quel rapport avec nos comportements compulsifs ? La loi juive, à travers le sabbat, la circoncision, les interdits alimentaires, etc, pose des limites. Elle retranche une partie des possibles, pour rappeler à l’homme qu’il n’est pas tout, qu’il n’est pas maître de tout. Elle est un guide pour aider l’homme à contempler le fait que tout ce qu’il possède est don de Dieu. Celui-ci peut alors décider librement de Lui en laisser une part, en signe de reconnaissance. Jésus vient accomplir cette Loi : il nous aide à percevoir qu’elle n’est pas le lieu d’une obéissance aveugle, mais le creuset d’une relation d’intimité, d’amour, de liberté avec Dieu. 

Une occasion de gratitude

Le remède à la compulsion, au désir de posséder, n’est alors pas l’interdit et la culpabilité, mais plutôt le respect du don et l’action de grâce. C’est avec cette approche que nous vous proposons cette semaine d’apprivoiser ces comportements compulsifs qui existent dans chacune de nos vies. Une occasion de faire de nos lieux de fragilité un espace de rencontre avec Dieu. 

L’exercice spirituel

1. Repérer et choisir une habitude compulsive

A nous de choisir un (et seulement un) lieu de notre vie où nous saisissons, sans attendre, le don, où nous sommes dans une attitude consommatrice. Ce lieu sera propre à chacun, il aura sûrement une histoire, des explications, peu importe. L’idée est de sortir du jugement de soi à ce sujet. Plaçons-nous d’abord dans le rôle de l’observateur, approchant cette thématique certainement peu agréable avec délicatesse, curiosité, et bienveillance. Prenons appui sur le Seigneur pour cela, il nous aime tels que nous sommes. 

ATTENTION : Ne choisissez pas un comportement qui relève de l’addiction, car les dynamiques de l’addiction sont particulières et sont à traiter dans d’autres cadres (médical, psychologique,…).

2. Changer de regard

Discernons dans ce lieu de compulsion, quel est le bien, le bon, qui est convoité et parfois reçu. Qu’est ce que je recherche quand je fais cela ? J’essaie de nommer tous les différents biens.

Si mon comportement compulsif est lié à la nourriture par exemple, je peux méditer sur le fait que les aliments sont un don de Dieu, que le plaisir que j’ai à les manger l’est aussi, ainsi que la joie du partage d’un repas. 

Si je me retrouve souvent à ne pas pouvoir arrêter de regarder mon portable et ses actualités (messages, réseaux sociaux, etc), je peux méditer sur ce que je recherche dans ce comportement : relation avec d’autres, esprit ‘déconnecté’ et ainsi diverti, intérêt intellectuel…
Et le mettre en balance : qu’est ce qui est bon, et donné largement par le Seigneur ? 

3. Observer

Il s’agit ensuite pour nous d’observer avec précision : quand est-ce que, je viens me saisir de ce bien reçu sans retenue et sans un merci ? Quand est-ce que ma relation à ce bien dérape ? Ce recul va m’aider aussi à mieux percevoir : quels sont les autres biens que je néglige avec ce comportement ? Quelles conséquences a cette habitude ? 

Je me demande aussi quel est mon désir de changement. Je peux demander à Dieu de faire grandir un désir de transformation de cette habitude, qui me protège de l’écueil du volontarisme. 

A nouveau, j’essaie d’exercer une curiosité saine, suspendant mon jugement de moi-même.

Si cela m’aide, à la façon de Saint Ignace, je peux noter en fin de matinée et en fin de soirée, combien de fois ce comportement est survenu. Au fur et à mesure de la semaine, je peux regarder s’il intervient plus souvent ou moins souvent. Mais attention, il s’agit de garder le regard libre et ouvert, surtout pas de ne plus voir que cela !

4. “Merci !” 

Nous apprenons très tôt aux enfants à dire ‘merci’, parce que nous pensons que c’est fondamental pour une relation équilibrée aux autres. Nous devons parfois apprendre seulement plus tard le ‘merci’ qu’il est bon d’adresser au Seigneur. C’est cette attitude de louange de Dieu qui va permettre de remettre mon habitude en ordre, à sa juste place. 

Nous vous proposons cette semaine de  mettre en place un signe, un geste, une attitude d’esprit, qui puisse nous aider à nous souvenir de la valeur des choses que nous pouvons être tentés de consommer sans recul. Un geste de remerciement de Dieu pour ses dons. Un geste discret mais qui lui rend honneur. Pour le rapport à la nourriture, on peut par exemple penser au bénédicité, mais on peut aussi être plus créatif pour trouver un rituel simple qui ajuste notre rapport au monde et à Dieu sans être pesant ni nous couper du monde.

Pour aller plus loin : 

Ignace de Loyola Exercice Spirituel 217 : Comme ma nourriture détermine pour une grande part le rapport à mon propre corps, je dois considérer cette question avec sérieux et pondération. Cette attitude peut m’amener à déterminer immédiatement après le déjeuner ou le dîner le type et la quantité de nourriture que je prendrai au repas suivant, et à me tenir fermement à cette décision. L’habitude de respecter les règles que je me fixe à moi-même me guidera peu à peu vers une liberté éclairée. 

Et la semaine prochaine ?

Nous allons faire un bond, des petites habitudes très concrètes de notre vie nous allons dézoomer, pour prendre de la hauteur et nous demander : sommes-nous libres de notre volonté de maîtriser ? 

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