Dans la nuit du désespoir, croire encore en la lumière…

En ce mois de novembre, le pape nous appelle à prier « pour que les personnes qui souffrent de dépression ou de burn-out trouvent un soutien et une lumière qui les ouvrent à la vie.”

La Bible, on le sait, ne manque pas de donner la parole à ceux qui sont accablés de tristesse, enserrés dans les filets du désespoir, écrasés par le deuil et les épreuves du chemin, par la solitude et l’échec ; ceux qui sont hantés par le sentiment d’être abandonné de Dieu lui-même. Que l’on songe à la longue traversée de la nuit vécue par Job : Si l’on parvenait à peser ma hargne, si l’on amassait ma détresse sur une balance ! Mais elle l’emporte déjà sur le sable des mers. C’est pourquoi mes paroles s’étranglent (Job 6,2-3) ; qu’on se souvienne du cri du psalmiste : Ma vie est saturée de malheurs et je frôle les enfers (Psaume 87,4), ou encore de la prière de Jonas qui, « depuis les entrailles du poisson » dit ce qu’il éprouve : Les eaux m’arrivent à la gorge, tandis que les flots de l’abîme m’encerclent ; les algues sont entrelacées autour de ma tête … A jamais les verrous du pays de la mort sont tirés sur moi (Jonas 2,6-7).

Si l’homme biblique fait l’amère expérience de cet accablement qui tend à le séparer de lui-même, de Dieu et des autres, s’il est en cela solidaire de l’humanité qui se nourrit d’un pain de larmes, il parvient néanmoins à démasquer parfois l’artifice, voire le péché qui se glisse sournoisement dans la tristesse. Derrière l’immense peine, il parvient à pressentir lui-même que se prépare une révélation plus haute.

Oui, la tristesse (nous dirions aujourd’hui : la dépression, le burn-out) blesse le cœur, abat l’esprit, dessèche les os (cf. Proverbes 17,22 : Un esprit attristé dessèche les membres) ; mais l’homme biblique sait que son remède est en Dieu, auquel il veut croire même au creux de la nuit la plus intense. (Psaume 51,14 : Rends-moi la joie d’être sauvé, et que l’esprit généreux me soutienne).

Jésus le Christ, lui qui allait ôter le péché du monde, fut accablé de l’immense tristesse des hommes, sans en être écrasé toutefois. Ce n’est pas seulement face à la mort, mais dans la mort même qu’il a subi tristesse et angoisse, une tristesse qui équivalait à la mort (cf. Matthieu 26,37). Ayant ainsi porté dans sa supplication les clameurs et les larmes des hommes face à la mort, il a été exaucé : C’est lui qui, au cours de sa vie terrestre, offrit prières et supplications avec grand cri et larmes à Celui qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de sa soumission (Hébreux 5,7). Angoisse et mort sont alors vaincues par celui qui, sans être pécheur, s’y livra.

Pas 1 : Le souvenir de ma misère est un poison

Au VIe siècle avant Jésus-Christ, l’auteur du Livre des Lamentations confie la détresse qui consume son cœur et son esprit. C’en est fini de ma continuité, de mon espoir ! dit-il. Trouvant encore la force de se tourner vers Dieu, il poursuit : Souviens-toi Seigneur de mon humiliation et de mon errance : absinthe et poison ! Je me souviens, je me souviens, et je suis miné par mon propre cas (Lamentations 3,19-21). Mais au cœur même de son cri le suppliant apprend à recevoir ce qu’il faut de patience et de confiance en Dieu qui sauve l’homme terrassé et humilié : J’invoque ton nom, Seigneur, depuis la fosse infernale ; tu entends ma voix : « Ne bouche pas tes oreilles à mon halètement et à mon appel au secours ! » Tu t’approches le jour où je t’invoque ; tu dis : « N’aies pas peur ! » (3,55-57).

Quelle est ma prière, lorsque je suis dans l’angoisse et la tristesse ? Comment je prie pour ceux qui sont eux aussi accablés par la tristesse, la dépression ?

Pas 2 : Saül, Jonas, Job… parmi tant d’autres

Parmi bien des figures bibliques confrontées à l’accablement et à la dépression, citons celle du roi Saül, au IXe siècle avant Jésus-Christ, dont il est dit que l’esprit du Seigneur s’était retiré de lui et un esprit mauvais le tourmentait (1 Samuel 16,14). Saül fit alors venir le jeune David, fils de Jessé : Ainsi, lorsque l’esprit de Dieu assaillait Saül, David prenait la lyre et il en jouait. Alors Saül se calmait, se sentait mieux et l’esprit mauvais se retirait de lui (16,21-23).

Qui ne se souvient de Jonas, le prophète rebelle et colérique, qui s’en prend à Dieu ? : Prêt à s’évanouir, Jonas demandait à mourir ; il disait « Mieux vaut mourir pour moi que vivre. » Alors Dieu lui dit : « As-tu raison de te fâcher à cause de cette plante ? » Jonas lui répondit : « Oui, j’ai raison de me fâcher à mort » (Jonas 4,8-9).

La figure de Job, le juste souffrant nous émeut également : La vie m’écœure, je ne retiendrai plus mes plaintes ; d’un cœur aigre je parlerai. Je dirai à Dieu : Ne me traite pas en coupable, fais-moi connaître tes griefs contre moi. Prends-tu plaisir à m’accabler, à mépriser la peine de tes mains et à favoriser les intrigues des méchants ? Mais, de plainte en plainte, l’image de Dieu va se décanter dans le cœur de ce juste souffrant. L’horizon spirituel de Job va lentement s’éclairer de nouvelles lueurs d’espérance. Et Job pressent que ses cris, enfin, seront entendus ; il découvre peu à peu que son Seigneur est le seul Ami devant qui l’on puisse pleurer sans honte.

Qu’est-ce qui me touche, dans l’attitude (ou la prière) de ces personnages bibliques ?

Pas 3 : Bienheureux ceux qui pleurent, ils seront consolés

C’est par les Béatitudes que, dans l’Évangile selon saint Matthieu, Jésus débute son enseignement sur la montagne. La deuxième béatitude s’adresse à ceux qui connaissent l’affliction : Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés (Matthieu 5,4). Peu de temps avant de devoir plonger lui-même dans l’abîme de la tristesse et de l’angoisse, et d’en ressortir victorieux et Vivant pour toujours, Jésus dit : Heureux ceux qui pleurent (voir aussi Luc 6,21). Cette parole ne peut se comprendre que par la promesse qui lui est attachée : Ils seront consolés. Dans notre deuil ou notre désespoir, nous devons nous accrocher à l’espérance d’une consolation à venir. Cette promesse est la seule parole à apporter à celui qui est également écrasé par la tristesse : « Même si toi, tu ne le sais pas, je te l’annonce : un jour tu seras consolé, tu n’es pas condamné à vivre le reste de ta vie dans la désolation que tu subis ».

Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés.  Comment je reçois ces paroles de Jésus, pour moi-même, pour ceux qui m’entourent ?

Père Jean-Marie Dezon, diocèse de Gap, et le Réseau Mondial de Prière du Pape

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