Est ce qu'il y a une résurrection possible pour tout le monde? Est ce que ce n’est pas trop tard? Qui peut en juger ?
Cette question ne demande qu’une seule réponse valable : bien sûr. Parce que la résurrection c’est le passage de la mort à la vie. On est tenté d’y voir comme une récompense d’une vie belle et vertueuse, mais l’enseignement de Jésus dans l’évangile nous dit autre chose.
Je voudrais vous proposer 3 textes bien connus : le pauvre Lazare et le mauvais riche. Le père et ses deux fils perdus. Le dialogue entre Jésus et le bon larron. La mort est présente dans ces trois textes, à un niveau ou un autre. La vie nouvelle, la résurrection y est aussi présente.
A propos du pauvre mendiant Lazare, on ne peut pas dire que sa vie fut belle, et quant à sa vertu, sa force morale, elle ne l’empêche pas de désirer ce que son voisin le riche possède et même gaspille. Il est conduit, nous dit saint Luc, dans le sein d’Abraham, comme si Dieu voulait alors renverser la vapeur, rééquilibrer les forces et lui donner ce qu’il n’avait pas eu dans la vie. Et c’est bien ce qui est dit au riche de cette parabole quand lui aussi meurt. « souviens-toi de combien de bonnes choses tu as joui pendant ta vie, tandis que Lazare n’a connu que des malheurs. A présent, ici, c’est lui qui est consolé, tandis que toi, tu es dans les tourments ». Il y a quelque chose de très parlant : dans cette parabole, l’expérience de la mort peut être comme la conséquence ou la rétribution de la vie passée. Si tu as bien vécu, ta vie après la mort sera belle. Si tu as mal vécu, alors « tu seras dans les tourments ».
Pour ma part, je voudrais vous rappeler que ce récit a été placé par st Luc juste après un chapitre consacré à la joie de la miséricorde : les trois paraboles de la brebis perdue et retrouvée, de la drachme perdue et retrouvée, du fils perdu et retrouvé. Et souvenez-vous de la parole du bon père qui accueille son fils, lui qui l’avait renié et qui avait pris son héritage comme si son père était déjà mort : il revient, se sentant indigne de conserver son statut de fils, et il entend son père parler ainsi : « voici, mon fils était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et je l’ai retrouvé. » Et cet enfant retrouve une relation nouvelle avec son père en accueillant ce sur quoi il n’osait plus compter la miséricorde et le pardon de son père plus fort que tout. Il découvre surtout une réalité qu’il avait ignorée : lui qui avait considéré son père comme un simple compte en banque, il est restauré dans une relation de vie. Il découvre ce que c’est que d’être aimé. De la mort surgit la vie.
Il y a encore beaucoup de choses à dire sur ces deux textes de l’évangile de Luc en les regardant du point de vue de ce qu’est la mort. Notamment en considérant l’attitude du fils aîné qui se révolte devant la morale laxiste de son père ou en écoutant le dialogue entre le riche et Abraham dans le chapitre suivant. Le fils aîné a visiblement perdu le goût de la vie dans son apparente fidélité. Il s’est en quelque sorte empêché de vivre. Quant au riche de l’autre parabole, il essaie de maintenir une maîtrise sur la vie et sur Dieu jusqu’à donner des ordres à Abraham. Envoie donc Lazare prévenir mes frères… Dans les deux cas, on n’arrive pas à établir une relation libre de confiance, alors que les deux autres protagonistes, le fils cadet et Lazare, se trouvent dans une situation d’abandon où leur liberté est d’accueillir la vie nouvelle qui s’offre à eux quand ils se mettent dans la main du Père. De la mort à la vie.
Au début, on peut faire appel encore à la scène du calvaire, au dialogue improbable entre Jésus et celui qu’on appelle « le bon larron » : un nouveau visage de la mort apparaît : pourquoi pour cet homme au seuil de la mort, à la fin de sa vie, le paradis s’ouvre-il selon les mots de Jésus lui-même : « tu seras avec moi au paradis ». Parce qu’il a reconnu une chose : la vérité sur Jésus. Il parle de justice, il a reconnu le caractère juste de sa peine, mais surtout il reconnaît la vérité sur Jésus : « Pour nous, ce n’est que justice : nous payons pour ce que nous avons fait ; mais celui-là n’a rien fait de mal. Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras régner. » Ce qui est extraordinaire ici, c’est l’espérance et la confiance qui vient dicter à cet homme ses dernières paroles. On sait que la dernière parole de Jésus est de reprendre les mots d’un psaume (ps 31) : « Père, je remets mon esprit entre tes mains », mais on découvre qu’il n’y pas que Jésus qui peut dire cet abandon dans la confiance au moment de la mort. Le « bon larron » peut dire lui aussi une parole d’espérance, qui ouvre la mort à la vie avec le Père.