Comment le dynamisme de Pâques peut-il nous aider à mettre de l'ordre dans nos vies telles qu'elles sont, qu'elles soient tout à fait heureuses ou habitées par le malheur ?
Pour le dire autrement, est-ce seulement celles et ceux qui vont bien qui sont appelés à mettre de l'ordre dans leur vie, dans la lumière de la Résurrection ? Comment celles et ceux qui sont dans l'épreuve ou dans le malheur sont-ils aussi invités à accueillir la lumière de Pâques pour mettre de l'ordre dans leur vie ? Qu’avons-nous à apprendre les uns des autres ?
Cette question est comme une brûlure en moi, après avoir écouté Bernadette, il y a quelques jours. Un prêtre a agressé la petite fille qu'elle était, et son existence a été marquée à jamais par ces violences sexuelles. Et voilà que, l'autre jour, j'entends Bernadette dire : je cherche à mettre de l'ordre dans ma vie !
Tous ces jours, nous fêtons Pâques. Christ est ressuscité ! Vraiment ressuscité. Dans les Églises d'Orient, cette exclamation retentit à l'infini pendant la nuit de Pâques et les jours suivants, c'est tout à la fois un cri et l'annonce de la joie pascale partagée. Mais les chrétiens d'Orient chantent aussi inlassablement cette hymne :
Le Christ est ressuscité des morts
Par sa mort il a vaincu la mort
A ceux qui dont dans les tombeaux, il a donné la vie.
C'est que la résurrection du Christ est une bonne nouvelle pour tous les humains !
Bonne nouvelle aujourd'hui, maintenant, pour ceux et celles qui sont dans les tombeaux, celles et ceux qui sont dans la mort, après une rupture, un échec, une dépression ou un burnout, un deuil. Et ce n'est pas une promesse au futur - il leur donnera la vie, mais un passé composé : il a donné la vie.
De quel désordre s'agit-il ?
Oui, pour celles et ceux qui vont mal, le désordre, c'est d'abord de se perdre et d'être perdu. Vous êtes-vous déjà perdu en forêt ? Pour un enfant, et même pour un adulte, ça peut-être une expérience rude, angoissante. Qui nous aidera à retrouver le chemin de la vie.
Mais quoi faire quand une agression, une épreuve a provoqué un empêchement d'être, quoi faire quand le chemin de la vie et de la joie a été brutalement barré, et peut-être définitivement barré ?
Le Cantique des Cantiques au chapitre 8, verset 6 et 7 dit : l'amour est fort comme la mort.
Nous les catholiques, nous pouvons avoir une grande facilité pour passer par-dessus la mort, l'enjamber, et parfois trop vite proclamer l'amour plus fort que la mort ! Le Cantique dit simplement que l'amour est fort comme la mort. Comment comprenez-vous cela ?
Quand le Ressuscité rejoint au Cénacle les siens enfermés dans la peur, il leur présente ses plaies pour qu'ils puissent le reconnaître. Les plaies du Ressuscité, comme le cœur transpercé sur la croix, nous parlent d'un amour à jamais crucifié. Mettre de l'ordre dans sa vie, lutter contre le désordre, passe par trouver ou retrouver un accès apaisé à la Parole de Dieu, aux sacrements, à Marie comme à Dieu.
Quand une existence, quand une enfance ont été fracassées, apprendre à pardonner à Dieu est décisif : Dieu n'avait rien fait pour empêcher l'agression de la petite fille. C'est accepter que Dieu n'y pouvait rien, que Dieu ne peut pas tout faire, qu'il n'est pas si « tout puissant » que cela, ou que sa puissance n'est que celle de l'amour qui se donne. Alors on peut trouver un réconfort dans une relation neuve à un Dieu qui a livré sa vie, qui s'est anéanti pour nous. Il s’agit toujours de faire le deuil d'un Dieu qui pourrait tout et n'a pas pu me protéger. Alors il est possible de choisir la vie. Pas seulement la survie, mais la vraie vie, qui vient de Dieu.
Et alors progressivement, peut être, le Père sera retrouvé et des frères et sœurs aussi retrouvés. Mais ce sera en espérance. C'est cela que j'apprends ces dernières années de Bernadette et de tant de personnes victimes d'agressions sexuelles. C'est le chemin sur lequel s'est engagée notre Eglise en France pour lutter contre les violences sexuelles dans l’Eglise. Apprendre les uns des autres sans cesse, pour aller plus loin dans la vérité de l'amour, c'est à cela que nous sommes appelés et conviés, sur ce chemin commencé le mercredi des Cendres et qui nous a conduits jusqu'à la lumière de Pâques.
Désirer mettre de l'ordre dans sa vie, à la lumière des Ecritures nous a finalement conduit en ce lieu : trouver, retrouver le chemin de la vie, de la vraie vie, dans un rapport apaisé et renouvelé à la Parole de Dieu et aux autres. Oui, que la Parole de Dieu surgisse en nous, nous tourne vers Dieu et vers les autres, avec la part cabossée, ou même fracassée de nos existences. Oui, que la Parole de Dieu mette de l'ordre dans nos existences, qu'elle oriente notre vie, l'ordonne à un amour plus grand qui nous attend, qui nous espère.
Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants.
Accueillons la bénédiction reçue à Pâques : Ils sont finis les jours de la Passion ! Suivez maintenant les pas du Ressuscité : suivez-le désormais jusqu’à son Royaume où vous posséderez enfin la joie parfaite, la joie qui vient de Dieu.
Amen