Devenir les mains du Christ

« Nous comprenons que la paix est une promesse qui deviendra réalité dans la mesure où nous devenons chacun un de ses artisans de paix. » Thierry Anne, sj.

Écouter

Pause

Retour en arrière

Devenir les mains du Christ

Écouter

Pause

La Bible ne cesse de nous faire entendre une promesse de paix, une promesse de paix venant de Dieu lui-même. Et c’est ce que nous nous apprêtons à fêter en ce Noël. Dieu vient à nous pour la paix : pour la paix entre nous, la paix avec nous-même, pour la paix avec lui.

Je vous propose de nous rappeler trois moments bibliques à ce propos, du côté du prophète Isaïe d'abord, au chapitre 9. Le prophète Isaïe s’exclame :

Un enfant nous est né, un fils nous est donné,
Son nom est proclamé conseiller merveilleux,
Dieu fort, Prince de la paix.


Beaucoup plus tard, dans l’histoire du salut, nous entendons Zacharie au jour de la naissance de son fils tant attendu, Jean-Baptiste (cf. chapitre 1 de l’Evangile selon saint Luc). Et nous lisons :

Et toi petit enfant tu seras appelé prophète du Très-Haut.
Tu marcheras devant à la face du Seigneur
Et tu prépareras ses chemins.

Et il conclue : "Pour conduire nos pas au chemin de la paix. »

A plus de 500 ans de différence (après Isaïe), on parle Messie, l’envoyé de Dieu, tel un facteur de paix, telle une source de paix, telle la paix elle-même. Magnifique ! Et pourtant on doute de ce don-là, on oublie que ce don de la paix nous est fait en Jésus. Ces promesses ont-elles étaient tenues ? Le peuple de l’Ancien Testament louait Dieu pour la paix, mais ne cessait d’endurer des guerres. Nous-même aujourd’hui nous souffrons toujours autant des dissensions, de la guerre, des discordes.

...

Rappelons-nous alors un troisième moment biblique, celui de l’entrée de Jésus à Jérusalem, peu avant la fin de sa vie terrestre. Il me semble que ce troisième moment fait écho aux deux précédents, mais surtout, il en donne le sens. ( cf. chapitre 19 de l’Evangile selon saint Luc.)

Jésus entre dans Jérusalem quelques jours avant la fête de la Pâque.
Qu’entendons-nous ? Jésus est acclamé par la foule en liesse. Il est reconnu comme le Messie, c'est-à-dire comme la manifestation heureuse de Dieu parmi nous. Or, dans les chants que la foule adressent à Dieu, Jésus est acclamé comme celui par lequel la paix se réalise. En quelque sorte, il est reconnu comme le prince de la paix, promesse ancienne du prophète Isaïe, comme nous l’avons entendu voici quelques instants.

Que voyons-nous ? Jésus, en ce jour, qui revêt les atours du Prince de paix : il monte un âne, c'est-à-dire un animal paisible, à l’envers du cheval de guerre qu’enfourchait les chefs d’armées. Et puis, il est acclamé par son peuple, tel un roi qui revient d’un lointain voyage, ou d’une guerre lointaine qu’il a gagnée et donc qui assure tranquillité et prospérité à son peuple.
Et pour autant, quelques jours plus tard il sera accusé, condamné, rejeté, mis à mort de manière ignominieuse.

De ces trois citations bibliques, nous pouvons retenir que la paix relève d’un labeur qu’il s’agit de remettre sans cesse sur le métier.

...

Jésus, en son parcours terrestre, nous enseigne que Dieu lui-même ne peut pas tout régler. Nous avons à œuvrer ici-bas entre hommes et femmes. Dieu créateur, pouvons-nous dire, passe le relais au Verbe incarné, son Fils. Jésus le Fils passe le relais à nous autres, hommes et femmes. Car le travail pour la paix sera de toujours à toujours. Pour autant, nous ne trouvons pas aujourd’hui comme dans la situation des débuts de l’humanité. Dieu lui-même est venu résider chez nous. Et c'est la différence.

Dieu incarné, le Fils de Dieu par excellence, a facilité la vie de beaucoup en son parcours terrestre. Mais plus encore, il nous a montré la manière de faire, pour nous autres, aujourd'hui à 2000 ans de distance.

Ce qu'il nous a appris, c'est :
- Veiller les uns sur les autres inlassablement
- Nous laisser inspirer par l’Esprit-Saint pour savoir dans quelle direction nous démener, nous engager.
- Nous reposer sur la force de l’Esprit-Saint pour continuer le geste du Christ.

Nous comprenons alors que la paix est une promesse qui deviendra réalité dans la mesure où nous devenons chacun un de ses artisans de paix. Artisans de paix et de communion, n’est-ce pas finalement ce qui tient le plus au cœur de Dieu ?

La Nativité certes est une super bonne nouvelle pour les artisans de paix. Désormais, ils sont aidés par Dieu lui-même, en ce labeur sans fin. La Croix pour sa part n’est pas une défaite, mais une victoire. En ce lieu, Dieu affronte directement les forces de la mort à l’œuvre en ce monde. Et il en ressort vivant, quelques jours plus tard. Dieu visite les forces qui attaquent la paix pour que nous y demeurions pleinement actifs et forts. Nous voici appelés à laisser notre cœur se déchirer, comme celui de Dieu sur la Croix.

Non pas pour baisser les bras, mais pour devenir les mains du Christ.
Et cela ne se concrétisera par sous forme d’une petite vie tranquille. Ce genre d’existence à la suite du Christ ressemblera davantage à une vie de combat contre les forces adverses, celles qui diminuent l’humanité, celles qui humilient mon prochain, celles qui nous dévalorisent et nous séparent.

...

L’histoire récente encore nous donne des exemples qui peuvent nous redonner espoir et énergie : les personnes qui sont entrées en résistance au nazisme ou au franquisme espagnol, les artisans de la chute de l’apartheid en Afrique du Sud, les ouvriers de la réconciliation franco-allemande y compris le frère Roger qui fonda la communauté des frères de Taizé, le collectif Lutte et contemplation qui œuvre pour une humanité selon les intuitions de Laudato si… et puis les milliers de personnes toutes proches de chacun qui sont facteurs de paix dans nos quartiers, nos communautés ecclésiales, nos familles, nos lieux de travail.

La grande histoire de l’humanité comme l’histoire récente nous donnent à contempler des artisans de paix qui déplacent des montagnes. Il suffit que l’un ou l’autre ose se lever pour que des foules se lèvent et protestent, pour que des foules se lèvent et se mettent au travail. Ainsi en est-il de Jésus, puis de ses apôtres, puis de ses saints, puis des saints de la porte d’à-côté.

Comment être de ceux-là ? Telle est, me semble-t-il, la question de Noël et de Pâques. Notre parcours, me semble-t-il, nous convoque à nous ancrer dans une prière contemplative de Jésus et à nous abreuver à la source divine, c'est-à-dire à vivre de l’esprit de Jésus.

:
: