Comment faire advenir la paix entre nous, hommes et femmes ?
Il semble que vivre en paix avec les autres, faire la paix avec les autres n’est pas plus simple que de vivre en paix avec soi-même.
Dans les deux situations, avec soi-même et avec les autres, il y a des hauts et il y a des bas. Dans les deux situations, nous ne réussissons pas à nous résoudre à une vie conflictuelle, à une vie désarçonnée.
Dans les deux situations, il semble-t-il, nous sommes requis à un travail sans fin, toujours à remettre sur le métier.
Dans les deux situations, avec les autres, avec soi-même, il nous est donné de nombreuses consolations lorsque la paix advient ou lorsque nous sentons une progression en cette direction.
Certainement, parce que les deux sont liées. Certainement, parce que la paix avec soi-même permet la paix avec les autres et vice-versa. Certainement, parce que les mêmes ressorts sont à faire jouer.
Observons un moment ce qu’en dit la Bible.
La paix selon la Bible
Dans la Bible, du moins je l'entend, beaucoup s’étonnent de lire de nombreux récits de guerre et de dissensions familiales. Mais en fait, la Bible nous offre-là un simple reflet de notre réalité humaine.
Je propose de reprendre l’exemple de Joseph et ses frères, cette histoire qu'on trouve dans le livre de la Genèse du chapitre 37 au chapitre 46.
On voit, dès le début, de manière assez dramatique, comment une jalousie s'installe, très forte, très violente, entre les frères. Les ainés sont jaloux du petit dernier Joseph. Ce petit Joseph qui bénéficie de beaucoup de dons de la part du Seigneur, qui a de nombreuses de qualités, qui est devenu progressivement le petit chouchou de son père. Les frères évidemment cherchent à s'en débarrasser, à le tuer, puis finalement à le en dernier ressort, ils vont simplement l'envoyer dans une citerne, et mystérieusement, il va disparaître. Et c'est beaucoup plus tard dans l'histoire, que nous allons découvrir un face à face entre Joseph et ses frères, alors qu'il devenu le grand intendant de Pharaon. A ce moment-là, le pays est entré en famine, y compris le pays dans lequel se trouve Jacob et ses enfants, ses fils.
Que se passe-t-il à ce moment-là ? On peut découvrir que ce n'est pas tant la prière de Jacob qui va suffire pour une réconciliation entre les frères, c'est encore moins un coup de baguette magique venant du ciel avec un happy end à la Hollywood. C'est une démarche que Joseph va ouvrir, entamer, et c'est celle du pardon. Joseph va se démasquer comme grand intendant, et leur dit: "Je suis vôtre frère". Une procédure de réconciliation va commencer, laquelle conduira à une réconciliation de toute la fratrie avec elle-même.
Ainsi nous entendons que la Bible raconte comment Dieu ne cesse de nous appeler à la paix, c'est-à-dire à l’amour, à des relations justes, amicales, bienveillantes, conduisant à la reconnaissance les uns des autres et à la réconciliation. La Bible et toute la tradition chrétienne présentent comment Dieu nous appelle à vivre à sa hauteur. Dieu nous appelle vraiment à agir entre nous comme lui-même agit avec nous. Or, ici, il ne s’agit pas ici d’un simple appel éthique, d’une bonne et forte exhortation à mieux vivre. Dieu nous offre ni plus ni moins une une promesse ; une "promesse", c'est-à-dire qu’il accompagne celles et ceux qui commencent ce chemin vers la paix. Dieu accompagne celles et ceux qui tentent un style de vie où le pardon et la réconciliation sont au cœur.
Et c'est toute l'histoire de Joseph; et c'est toute l'histoire de nombreuses personnes que nous connaissons.
Paix ou tranquillité ?
Un article de François Roustang, sur lequel je suis tombé récemment, édité en janvier 1964 dans la revue "Christus", nous donne de bons repères pour appréhender ce que nous pouvons entendre par "la paix" selon la tradition chrétienne, et spécifiquement la paix relationnelle. Il a intitulé son article : « Les sources de la réconciliation ».
Il relève trois facteurs incontournables et susceptibles de conduire à la paix : la pauvreté, la charité et la soumission à Dieu.
- La pauvreté, car elle nous situe dans « un état de disponibilité véritable » selon les Exercices d’Ignace de Loyola. Endurer la pauvreté oblige à nous en remettre aux autres et à Dieu. La pauvreté nous ouvre les mains pour quêter et pour recevoir. Bref, elle nous place dans une situation de vulnérabilité. C’est ce que les pères du désert avaient compris, eux qui préfiguraient la vie religieuse, la vie consacrée.
- François Roustang parle de la charité, comme deuxième facteur promoteur de la paix. La charité, cette manière humaine de nous mettre au service de Dieu et de son projet pour l’humanité. C’est par la charité, par l’attitude de service en direction de nos frères et sœurs que le Royaume de Dieu adviendra; le Royaume de paix tant attendu.
- Et puis, le troisième facteur susceptible de conduire à la paix, souligne François Roustang, c'est la soumission à Dieu, à bien entendre, comme une vie qui cherche à s’adapter au désir de Dieu, à ce qu’on nomme la volonté de Dieu pour moi, la volonté de Dieu au sens de ce qui est la dynamique de mon accomplissement humain et spirituel.
Et, dit-il à la fin de sa réflexion, ces trois facteurs ouvrent à un chemin de paix, se célèbrent dans les sacrements du pardon et de l’eucharistie. Ces fameux sacrements de la route qui nous mettent et remettent continuellement dans un désir de communion, et même dans une expérience de communion, dans un progrès vers la communion.
Nous entendons ainsi que la paix relève de la communion avec Dieu, avec les autres, avec soi-même.
Conclusion
Reprenons : La paix entre nous autres humains passe par ces sentiers de la pauvreté, de la charité, de la soumission à Dieu.
Or, ces trois voies n’ont d’autre nom que le Souffle dans lequel nous nous coulons ou cherchons à nous couler : le Souffle de l'Esprit. A nous de tenir l’oreille bien tendue pour repérer ce Souffle et le rejoindre, pour respirer à son rythme, pour orienter nos pas de telle manière que nous laissions porté par ce vent en notre dos.
Si tous nous suivions ce mode de vie, assurément, il y aurait moins de guerre, moins de dissensions, moins d’injustice ou de jalousies.