Sois sans crainte, Dieu t’a déjà tant donné

Pendant cette semaine, prenons le temps de découvrir les roses que Dieu a cueillies pour nous les offrir.

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Au début du XXe siècle, le poète Rainer Maria Rilke habitait à Paris et il se promenait souvent au jardin du Luxembourg. Devant les grilles il croisait une vieille mendiante qui se tenait là toute la journée et tendait la main. Il avait l’habitude de déposer une pièce dans cette main, mais la femme restait toujours impassible, sans même lever le regard vers son bienfaiteur. Elle continuait, l’air blasé, à tendre la main. Un jour, le poète raconte-t-il, il avait oublié son porte-monnaie. Ennuyé, il ne voulait pas changer sa routine de l’aumône, car, Autrichien, il savait que faire l’aumône est un devoir important de la vie chrétienne. Mais un poète est créatif ! Il eut l’idée de couper une fleur d’un des magnifiques rosiers du jardin et de la tendre devant la vieille mendiante. Celle-ci prit la rose, fit le geste que tout le monde fait dans ces occasions, de humer le parfum de la rose, mais surtout elle leva les yeux vers Rilke et lui sourit. Un sourire comme il n’en avait jamais vu. Puis, elle prit son sac posé à terre et quitta les lieux, la rose dans la main. Quand il racontait cette histoire vraie, Rainer Maria Rilke concluait toujours en disant que le sourire de cette femme lui avait appris la vraie joie et le sens de la vie. Cette femme attendait ce qui la ferait sourire, et, une fois reçue ce cadeau gratuit, elle avait terminé sa journée : il s’agirait donc de saisir dans nos journées le moment de gratuité qu’une rose cueillie et offerte peut révéler.
Il me semble qu’entrer dans le temps de l’Avent va nous permettre de toucher du doigt, du cœur, la gratuité qui caractérise la relation entre nous et Dieu, au long des quatre semaines qui nous préparent à Noël. Avent, c’est un temps qui permet d’ouvrir les yeux. Comme Rilke ouvre les yeux sur le sourire de la vieille mendiante. Et la vieille dame ouvre les yeux sur la rose et lève son regard sur l’homme bon qui chaque jour lui donnait une pièce mais qu’elle ne voyait . Il s’agit donc d’entrer dans cette relation de gratuité qu’apporte le don d’une rose fraichement cueillie.
L’Avent est le temps liturgique qui nous situe entre les deux « adventus » du Christ, selon ce que signifie ce mot : « Il est déjà venu en prenant la condition des hommes », « il « viendra de nouveau, revêtu de sa gloire », c’est ce qu’affirme la première préface de l’Avent que l’on dit pendant la messe jusqu’au 16 décembre. Autrement dit, nous reconnaissons qu’« il est déjà venu », il s’agit de la vie de Jésus, sur la terre d’Israël, « il est passé en faisant le bien », dit Saint Pierre dans la première prédication à la Pentecôte. Cette venue nous concerne aujourd’hui, car nous en vivons dans l’Eglise. Et nous espérons le voir un jour, tel qu’il est, dans sa gloire, c’est-à-dire dans le rayonnement absolu du bien qu’il a fait et selon que nous aurons accueilli ou non ce bien.
Il est déjà venu : cela signifie que l’humanité, chacun et chacune d’entre nous, nous avons en quelque sorte déjà reçu notre Cadeau de Noël, qui est le « premier avènement » du Christ. En comprenant l’importance de ce premier avènement, nous pourrons alors tendre plus intérieurement vers le « deuxième avènement », dont on ne sait pas grand-chose, il est vrai, puisqu’il n’a pas eu lieu. Pendant cette première semaine de l’Avent il nous est alors demandé de communier à la première venue du Christ, de nous convertit à elle et d’en faire le ressort de notre attente du deuxième avènement. Il vient à moi car il est déjà venu. Cette attitude rend possible la seconde venue du Christ. Et pour cela, il existe ce qu’on appelle dans la tradition spirituelle, une troisième venue du Christ, la venue en chacun de nous dans notre cœur, dans notre âme. Écoutons saint Bernard à ce sujet : « Considère que Jésus naît à Bethléem et sois attentif à la manière dont tu deviendras Bethléem et qu'en toi aussi Jésus ne dédaignera pas d'être reçu ». Autrement dit, à quoi cela sert-il qu’il soit venu s’il ne vient pas dans ton cœur, comme l’écrit aussi le même St Bernard ?
La retraite que nous commençons est une marche à la rencontre du Seigneur. Mais pour partir à cette rencontre, je peux d’abord me demander comment je pourrai le reconnaître pour l’accueillir en moi, et pour cela tout au long de cette semaine, nous allons prendre le temps de nous souvenir de la manière dont Dieu nous a déjà rencontré, dans les moments de gratuité que nous avons vécus. Quelles sont les roses que Dieu a cueillies et qu’il nous a offertes.
Marie, au moment de l’Annonciation, reçoit une première parole de l’ange : « N’aie pas peur, ne crains pas ». De Dieu il n’y a pas à avoir peur. Et les raisons sont nombreuses qui nous permettent de lever les yeux et de découvrir que Dieu nous a déjà tant donné. Cette première semaine, nous aurons ainsi l’occasion de faire mémoire de ces moments d’« adventus » du Seigneur dans nos vies. Cette mémoire des merveilles de Dieu, ce sera un peu comme les boules brillantes que l’on installe sur le sapin de Noël. Dans ma vie, il y a eu des choses merveilleuses. Les anciennes représentations de l’Annonciation montrent ainsi Marie surprise par l’ange, mais souvent on la voit en train de lire la Bible, c’est-à-dire le livre des souvenirs de la présence de Dieu au milieu du peuple d’Israël. Parce qu’elle a saisi la manière dont Dieu a fait des merveilles passées pour son peuple Marie peut entendre les paroles présentes de l’ange. N’aies pas peur. Sois sans crainte, Dieu t’a déjà tant donné.
Et moi, quels sont les souvenirs de la venue de Dieu dans ma vie ?
Pendant cette semaine, prenons le temps de découvrir les roses que Dieu a cueillies pour nous les offrir.
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