Aujourd'hui commence le Carême et en ce mercredi des Cendres vous est donné la possibilité de vivre l'entrée en Carême et l’imposition des Cendres : ce que nous demandons au Seigneur en ce jour, c’est de commencer saintement par une journée de jeûne notre entraînement au combat spirituel.

Vous allez me dire : quel lien entre le jeûne et la démarche proposée par Prie en Chemin ? Mettre de l'ordre dans sa vie à la lumière des écritures ?
Eh bien peut être qu’une des dimensions du désordre dans nos vies c'est le trop-plein. Cet entraînement spirituel, pour nous cette année, c’est mettre de l’ordre dans sa vie à la lumière des écritures. Oui, le jeûne nous renvoie certainement au trop-plein de nos vies, et aussi à tout ce qui est en désordre dans notre existence.
En fait quand une pièce est en désordre nous le savons bien en général c'est qu'il y a beaucoup trop de choses; à coup de balais, quelques sacs poubelles, nous pouvons faire place nette.

Et certainement, c'est une dimension du jeûne de se dépouiller de ce qui nous empêche d'aller de l'avant, de ce qui nous encombre.
Sans doute, on peut considérer qu'il y a plusieurs manières de mettre de l'ordre dans sa vie.
Plus d’une fois, en préparant des couples au mariage j'ai entendu l’un ou l’autre dire que l'irruption de l'amour, c’est à dire, l’irruption d'un autre dans son existence amène des réajustements importants dans son emploi du temps, se libérer le soir, faire de la place à l'autre qui désormais est important.
Mais pas simplement faire de la place. Ignace de Loyola parle d’ordonner sa vie à Dieu, c'est ça le sens fort et le sens heureux de mettre de l'ordre dans sa vie :

Faire sa vaisselle, mettre de l’ordre dans l’évier, c’est pas forcément fun. Par contre, ordonner sa vie à un autre qui nous aime et que j’aime; ordonner sa vie vers cet autre qui est Dieu pour entrer dans une relation plus importante, une relation d'amitié plus forte, d'alliance plus profonde, ça a du goût et de la saveur.
Parce que trop souvent notre relation à Dieu est entachée par des attachements, par des affections désordonnées qui prennent trop de place, qui nous tirent en arrière ou bien qui aveuglent notre jugement. Pour Ignace, c’est au fondement de toute démarche spirituelle authentique : je suis d’abord appelé à percevoir, comprendre, consentir, à cette proposition : l'être humain est créé pour Dieu, l'être humain est créé pour que sa vie soit orientée, ordonnée à un amour qui est Dieu. Ignace le formule avec trois verbes : louer, respecter servir; trois couleurs dans notre existence, trois modalités pour lesquelles le reste doit trouver sa place, s’y ordonner. C’est la visée de toute vie humaine.

Nous sommes des créatures, des êtres créés par Dieu notre Créateur, qui entre en relation avec nous et pour notre bonheur nous invite à nous tourner vers Lui. Homme et femme créés à son image et à sa ressemblance pour le louer, pour le révérer pour le servir, dans un échange de don, de vie entre créature et Créateur : entrer plus profondément en amitié et en alliance avec Dieu pour vivre de sa vie.
Les Ecritures nous proposent au début du livre de la Genèse de grands récits symboliques de la création. Dieu commence par mettre de l'ordre dans cette création, en séparant le jour de la nuit, les eaux qui sont au-dessus du ciel de celles qui sont au-dessous. Et Dieu crée successivement les différents ordres de la réalité créée. Et au fur et à mesure que se déploie la création dans un certain ordre, Dieu voit que cela est bon et même très bon. Et j’ai à laisser se créer en moi, cet espace où je me retrouve face à mon créateur pour essayer d'entendre la bonté foncière de la vie et de la création.
Et alors que faire avec le malheur, les blessures, ce qui a pu fracasser notre vie ? Entendre une promesse, celle des Béatitudes: celles et ceux qui sont pauvres, celles et ceux qui ont faim, celles et ceux qui pleurent sont appelés à entrer dans le Royaume, à se laisser rassasier, à rire, dans un avenir, dans un futur, qu’ouvre la Promesse et la suite de Jésus.
Alors comment créer cet espace d’amitié, de relation dans lequel je me reconnaît créature devant mon Créateur ?
Et bien, un espace qui demande un peu de place. Le trop plein, c’est des rythmes stressés et stressants; c’est le fait de toujours occuper tous plutôt que de prendre un petit déjeuner en silence, c’est important les nouvelles du monde, mais être déjà avec la radio, ou être en train de feuilleter les pages numériques de mon journal. Un espace d'intériorité pour pouvoir entendre, comme lors du baptême du Christ : “Celui-ci est mon fils bien-aimé” “celui-ci est ma fille bien aimée. Tu es mon enfant bien-aimé.
Le mercredi des Cendres nous invite à nous tourner dans le secret vers celui qui est présent alors dans le secret (Mt 6); c’est ça la clé : percevoir que dieu est présent dans le secret, trouver en moi les ressources qui me permettent de me tourner vers Lui.
La méditation priante de prie en chemin pour le premier dimanche nous propose de considérer les tentations du Christ au désert. Comment le Christ éprouvé au désert ? Et il a faim. Qu'est-ce que nous faisons de nos faims ? Paradoxalement, nos faims peuvent encombrer nos vies chaque fois que par rapport à des situations qui nous laissent démunis, nous cherchons des solutions illusoires, éphémères : par exemple des impulsions d'achat ou plutôt des achats d’impulsions qui ne vont rien régler ; simplement combler faussement notre faim.

Il y a la faim, mais les tentations au désert nous parlent aussi des désirs de puissance. Et finalement de se rapporter d’une mauvaise façon à Dieu en se mettant dans des conduites suicidaires ou en tout cas qui ne conduisent pas à la vie, à la vie bonne que Dieu veut pour nous : tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu, le Seigneur ton Créateur.

Alors dans ce désir de mettre de l'ordre, ouvrons cet espace avec notre Créateur. Laissons entrer la lumière de Christ transfiguré pour être attentif, jour après jour, tout au long de ces semaines, à la Parole de Dieu, telle que nous la propose Prie en Chemin. Une parole qui veut comme une semence, germer en nous, nous ne savons pas comment.
Bonne mise en route, bonne marche.

Bonne attention à la fois à ce qui est désordonné, mais surtout à ce désir en nous que notre existence toute entière soit ordonnée vers la vie; vers la Vie qui vient de Dieu; une vie bonne dont la promesse est là si nous la laissons se déployer.

Amen